John McGahern
La lente agonie d'une femme
Elisabeth,
une infirmière d’âge mûr, travaillant dans un hôpital
londonien, épouse un policier veuf avec trois enfants à charge.
Elle quitte son métier pour s’installer dans la caserne d’un
village irlandais et élever les trois enfants de Reegan. Le bonheur
du début fait place à un ennui et une désespérance devant la
monotonie de ses journées toutes pareilles les unes aux autres et
l’absence de diversité de sa vie. Son mari, amer et frustré face
à son métier, entretient une haine farouche à l’égard de son
supérieur, le commissaire Quirke. Elisabeth supporte tout sans se
plaindre ouvertement mais entretient un dialogue intérieur où elle
laisse sa rancœur s’épancher en s’évadant dans ses souvenirs
d’une époque plus heureuse et pleine d’espoir.
Après une
visite chez le médecin, Elisabeth apprend qu’elle est atteinte du
cancer. Elle subit une opération qui prolonge sa vie de quelques
mois. Son agonie est longue et elle doit bientôt s’aliter, ne
réussissant plus à remplir les nombreuses tâches qui remplissaient
ses journées. Elle se détache tranquillement de tout pour sombrer
dans une mélancolique indifférence qui se terminera par une mort
qui viendra la délivrer et mettre un terme à ses souffrances. Pour
Reegan, c’est le moment de donner enfin sa démission de la police.
C’est la fin d’une époque pour la famille qui devra faire face à
l’avenir sans celle qui leur a tant donné et n’a pas beaucoup
reçu en échange.
Un chef d’œuvre de John McGahern qui
raconte la lente agonie d’une femme seule et incomprise de ses
proches. Le personnage d’Elisabeth en est un des plus beaux et
émouvants qu’il m’ait été donné de découvrir dans un livre.
John McGahern donne libre cours, à travers elle, à son
interrogation sur le sens de la vie. Le récit est baigné d'une
lourde atmosphère de désespoir et d’impuissance face à
l’absurdité de toute existence humaine. Mais on sent une douceur
et un respect de l’auteur face au combat que doit mener Elisabeth
pour surmonter ses moments de dépression et de désespoir pour
simplement continuer à mener sa vie malgré un intense sentiment
d’inutilité et un pessimisme tenace. Un roman remarquable dans sa
description des tourments intérieurs d’un être humain face à la
vacuité de son existence. Une lecture inoubliable.
« Et
elle, comment effectuerait-elle son entrée et sa sortie ? se
demandait Elisabeth. Elle savait qu’elle n’échapperait pas à la
folie de l’existence parce qu’il lui arrivait d’être lucide
par moments ; elle serait aussi aveuglée par la vie, aussi
ridiculement humaine que tout le monde quand viendrait son tour. On
était tous logés à la même enseigne. L’espace d'un instant, on
dansait une petite gigue sur un écran, parmi des millions d'autres
passionnément absorbés par leurs misérables personnes et leurs
misérables actions, et qui se prenaient tous pour le nombril du
monde. Mais ils finissaient tous par un rôle tragique : plus
question de jouer la comédie le jour de leur mort, dieu du ciel ! Le
monde entier s’écroulait avec eux. C’était si fantastique, si
miraculeux que cela puisse continuer malgré l’absence de motif
connu, la passion aveugle servant de moteur malgré tout. »
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