Kim Tae-yong

Kim Tae-yong est né à Séoul en 1974. Il est diplômé en écriture créative de l’Université de Soongsil. Il a commencé sa carrière littéraire lorsque sa nouvelle La troisième maison vue de la droite a été publiée dans le numéro du printemps 2005 de la revue littéraire trimestrielle Segyeuimunhak. Il a remporté le prix littéraire Hankook Ilbo, le prix littéraire Moonji, le prix littéraire KimHyun. Ses récits sont marqués par un ton spirituel et enjoué, mais tristes et sérieux à la fois, comme la nouvelle Cochon sur gazon qui aborde de manière subtile un sujet grave, la démence.

J'étais un maquereau

Attendre d'avoir soixante-dix ans pour apprendre à lire et à écrire ! Cela dit, même si à présent il ne sert plus à rien de regretter, c'était une erreur de m'y mettre. Moi qui ai passé ma vie sans savoir écrire, une vie de plaisir alimentée par le commerce de la chair, j'ai succombé tout d'un coup à la séduction mielleuse des lettres. Les lettres, c'est pour moi le fruit défendu qu'Eve a cueilli sur l'arbre au jardin d'Eden. C'est la faute à la petite qui m'a appris à lire et à écrire, qui m'a empoisonné avec l'écriture comme si elle avait voulu me gâcher les derniers moments de mon existence. Je serais en droit de lui demander des comptes. Mais où est-elle ? Je crois qu'elle m'a dit un jour le nom de son université, mais je ne m'en souviens pas. Aller demander à la mairie ? Impossible, je n'aurais pas le courage. Moi qui, jadis, pouvais corriger quatre ou cinq gars à la fois, qui voyais filer les gus comme des souris dès que je poussais un coup de gueule, voilà que j'hésite devant des riens, je reste indécis, je manque totalement d'assurance. C'est peut-être parce que j'ai appris à écrire. Plus j'apprends, plus je perds mes forces et plus mon mental se ramollit. Quand j'ai compris que l'écriture, c'est comme un démon qui vous affaiblit petit à petit, j'étais déjà en train de m'y embourber. Bien sûr, l'âge y est sans doute pour quelque chose. Désormais, je ne dois penser à rien d'autre qu'à la mort.