Kwak Hyo-hwan
Traverser la cour
Encore cette nuit d'été les hommes n'étaient pas rentrés
La maison traditionnelle rénovée, dans cette banlieue d'une ville de province du Sud, était gardée par les femmes
Le vent du soir qui avaiet amené l'obscurité soufflait agréablement
On y brûlait à cette heure de l'herbe contre les moustiques, dans un coin de la vaste cour éclairée par une lampe extérieure
Suivant Grand-mère qui avait fini son dîner,
ma petite sœur et moi installions sur le lit en bois
Mon petit frère morveux qui faisait énergiquement non de la tête si on l'appelait « notre petit dernier ! »
grignotait maïs et pommes de terre, ou bien mordant une tranche de pastèque,
il essuyait sans cesse de son avant-bras le jus sucré qui coulait au bord de ses lèvres
A mesure que l'obscurité brumeuse devenait dense, le regard de Grand-mère
s'attardait sur le portail bleu en attendant Grand-père,
dont elle ne savait pas trop s'il était allé à une partie de mah-jong ou chez sa concubine
Mère ne parlait pas du tout, faisant le va-et-vient entre la cuisine et le lit en bois
Lorsqu'il faisait plus noir, Grand-mère parlait à voix basse de notre père, parti à la recherche d'un travail dans une ville portuaire
Mère, qui tournait en rond dans la cour, devenait plus taciturne
En parlant sans queue ni tête du grand-père et du père qui ne venaient pas,
alors qu'elles les attendaient, et aussi de la lune, des étoiles, du tigre, de la baleine, de la mer,
les enfants s'endormaient, comme évanouis, sur le lit en bois
En les portant un à un sur le dos, Grand-mère et Mère traversaient la cour baignée par la lueur des étoiles, pour entrer dans la chambre à l'ombre profonde
Par une nuit semblable, dans l'eau contenue par une jarre sur la terrasse, près du petit coin,
une étoile filante épuisée par l'attente est tombée, puis s'en est allée après avoir dormi d'un sommeil profond
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