Sorcier de Jim Harrison


On entre dans ce roman comme par effraction. Ou plutôt on voit une porte entrouverte derrière laquelle il se passe des choses suspectes, surprenantes, intrigantes. On ne peut s'empêcher de pousser la porte pour y comprendre quelque chose.

Johnny, qui se fait appeler Sorcier, commence par mourir au premier chapitre. Une vraie mort, mais heureusement il se dédouble. Ainsi finalement ce n'est que son double qui est mort. Ensuite, il visite régulièrement ses rêves, ses fantasmes, ses visions.

Diana est la femme patiente et courageuse, qui travaille pour deux.

Mais si nous entrons chez ce ménage cocasse, on constate qu'ils font l'amour, qu'ils baisent bien. Et quand ils ont fini, ils mangent. La nourriture et le sexe, un point c'est tout pour le moment.

Il tira lentement sur le jean de Diana, la retourna, l'inclina sur une ottomane de cuir et se mit à sabrer comme un fou. Puis il l'allongea sur le dos et lui dévora l'intimité durant plus d'une demi-heure. Puis il recommença. Il était quatre heures du matin lorsqu'ils se traînèrent enfin vers le lit.
Alors ? C'est pas mieux que la branlette ?
  • L'un n'empêche pas l'autre, répondit Diana en allant fouiller dans les placards.
  • Tu es de mauvaise foi.
  • Qu'as-tu fait des magazines de cul ?
  • Je les ai brûlés.
  • Tes diplômes ne sont plus là non plus.
  • Je les ai également brûlés, de même que le petit joujou sexuel.
  • Tu perds la boule ou quoi ?
  • Je change de vie. Mais je ne veux pas en parler avant que la transformation soit accomplie.
  • D'accord, mon chéri. Je t'aime. Tu m'as superbement fait l'amour.
  • Mais tu refuses d'admettre que c'est meilleur que la branlette.
  • Pourquoi faut-il que ce soit meilleur ? Il suffit que ce soit différent.

Johnny, alias Sorcier, va changer de vie comme on change de jean. Il prend des résolutions qu'il ne tient pas très longtemps, mais tout de même il trouve un boulot. Lui pourrait croire que c'est dû à sa force de caractère, ce nouveau travail, excitant et bien payé. On saura par la suite que ce n'est pas si sûr.

Bien sûr, il y a d'autres comparses qui apparaissent de temps à autre. Il y a son père que l'on n'entend qu'au téléphone ; c'est un ancien flic, toujours la blague aux lèvres, toujours de bons conseils. Et puis Hudley, le chien, qui ne lui cause que des soucis et qui finit par être son souffre-douleur. Quant au docteur Rabun « l'ami de la famille », c'est un inventeur obsédé et dangereux.

Quand on pénètre ainsi dans un appartement où l'on n'est pas sûr d'être invité, on peut être un peu intimidé, mais on perçoit tout de suite l'humour, parfois grinçant ou grincheux de Sorcier. Emmené malgré lui dans des histoires où il risque sa peau, il en vient à tirer des coups de fusil (dans l'eau, heureusement) quand il comprend qu'il a été trahi par la seule femme qu'il aime, Diana.

Alors certes, le héros n'est pas toujours reluisant (mais bien truculent, il faut le reconnaître). Comment se fait-il qu'on s'attache à ce grand dadais de quarante ans, immature et capricieux comme un enfant ? C'est que ce grand paumé trimbale un monde avec lui, des images scabreuses mais tellement savoureuses. Excessif et jouisseur, incorrect et immoral, Sorcier est un voyou intellectuel, mais ses aventures nous donnent bien du plaisir à les lire.

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