Laura Alcoba



« La casa de les conejos » (2008) de Laura Alcoba

Tout est vu par le regard d'une petite fille d'à peine neuf ans. La question du simulacre est essentiel dans ce roman parce que rien dans la maison n'est vraiment ce qu'elle paraît être. Ses occupants se comportent comme s'ils étaient une famille unie : le père va au bureau travailler, la mère est maîtresse de maison et enceinte, quelques amis passent. En réalité il est question d'un groupe de militants du mouvement des Monteneros qui se servent de la maison pour mener à bien une action politique. Le commerce de l'élevage de lapins est une couverture pour cacher une imprimerie clandestine, « planquée » derrière un faux mur. La maison est une cachette. La petite fille vit donc scindée entre ce qu'elle peut et ce qu'elle ne peut pas dire, entre ce qu'elle doit faire et ce qu'elle doit éviter. Les adultes la mettent dans une situation de permanente oscillation entre la supposée normalité qu'il est vital de soutenir et l'action réelle qui doit être maintenue dans le plus grand secret. Le système de la vie clandestine agit comme une force. Progressivement pourtant, la superficie de la maison semble diminuer et on comprend qu'il s'agit un piège qui se referme. La métaphore des lapins va s'appliquer aux occupants de la maison.

Ma mère se décide finalement à m'expliquer, dans les grandes lignes, ce qu'il se passe. Nous devons quitter notre appartement, elle m'a dit, parce que maintenant les Montoneros doivent se cacher. C'est impératif, certaines personnes sont devenues très dangereuses : ce sont les membres des commandos des AAA, l'Alliance Anticommuniste Argentine, qui enlèvent des militants comme mes parents et les tuent ou les font disparaître. C'est pour ça que nous devons nous réfugier, nous cacher, et aussi résister. Ma mère m'explique ce que veut dire « passer à la clandestinité ». « Dès maintenant nous vivrons dans la clandestinité ». C'est exactement ce qu'elle me dit. Moi, j'écoute sans rien dire. Je comprends tout cela, mais je ne pense plus qu'à une chose : l'école. Si nous vivons cachés, comment je vais faire pour aller à l'école ? « Pour toi, rien ne change. Il suffit que tu ne dises pas où nous vivons, même pas à la famille. Tous les matins, nous te ferons monter dans le minibus. Tu descendras toute seule Place Moreno ; tu connais déjà l'endroit. Le minibus s'arrête juste à la porte de chez les grands parents. Ils vont s'occuper de toi dans la journée. Et nous verrons comment on pourra te récupérer le soir ou dans la nuit ».


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