Merci pour cette bonne leçon de civilisation


 

Merci pour cette bonne leçon de civilisation

On nous avait expliqué : « Maintenant on en a fini avec le communisme, avec le socialisme. Le monde entier est converti au néo-libéralisme. » Cette doctrine, « néo » sans être nouvelle, n'avait donc plus d'adversaires. Elle avait le champ libre et on allait voir ce qu'on allait voir. Il y avait bien quelques voix discordantes pour s'étonner tout de même que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus nombreux. « Un peu de patience, nous avait-on rétorqué, vous allez voir cela va « ruisseler ». La théorie du ruissellement veut que les grandes fortunes laissent progressivement passer de la petite monnaie entre leurs doigts pour que le reste de la population survive de mieux en mieux. » Et de là venait aussi l'idée qu'il ne faut pas trop embêter les riches avec des histoires d'impôts, ça risquait de bloquer le ruissellement.

Les partisans du nouveau régime néo-libéral expliquaient en outre qu'ils avaient gagné et qu'ils n'admettaient pas qu'on remette en doute leur victoire. Ils opposaient à tous ceux qui n'étaient pas convaincus des arguments du genre : « Vous voulez retourner au goulag ? » Il ne fallait pas s'alarmer du fait que l'on vende les biens de l'Etat et qu'on privatise à tours de bras au point de réduire le service public à une peau de chagrin. On le sait bien : il y a toujours trop d'Etat. Et puis surtout, on nous assurait que la planète était désormais en bonnes mains. Qu'on allait résoudre les problèmes du réchauffement sans tarder. Et d'ailleurs Trump l'a résolu très vite en expliquant tout simplement qu'il n'y avait pas de réchauffement climatique. Bon, nous étions presque rassurés. Presque, parce qu'il y avait tout de même quelques signes un peu inquiétants.

En dehors de ce petit caillou dans la chaussure néo-libérale, tout allait bien, comme sur des roulettes. Que survienne un séisme, un attentat terroriste, un incendie de millions d'hectares, une crise financière ou quelque catastrophe sanitaire, la nouvelle doctrine avait réponse à tout. C'était, en somme, pour nous une sorte d'assurance sur le fait que tout allait continuer comme avant.

Et patatras ! Voilà qu'arrive le corona virus et toute cette belle philosophie est fichue par terre. L'incapacité de tous ces régimes à sauver les populations dans toute les parties du globe, ne pouvant qu'opposer incompétence et arrogance à une pandémie qui ne veut rien comprendre des beaux arguments libéraux, est pitoyable. Presque partout, on a laissé médecins et soignants dans les situations les plus précaires, quasiment désespérées, parce qu'on avait peur que les milliards soient contaminés par le virus. Merci pour cette bonne leçon de civilisation.

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