Le terú-terú

 


Le terú-terú est joyeux, toujours bien disposé, bavard, indiscret, moqueur ; c'est celui-là même qui joue des tours à l'épervier et au bœuf, mais qui est l'ami de tout le monde dans la Pampa. Son travail principal est de prévenir ses camarades les bestioles des dangers qu'ils courent ou qu'ils pourraient courir. S'il croise un chien, seul, dans la campagne, pauvre de lui ! Ce que peuvent lui dire les terús au passage ! De quoi n'avoir aucune envie de revenir dans le coin.

Un jour, de bon matin, dans la légère brume qui flottait encore sur le sol humide des bas-côtés, s'approchait doucement de la lagune un vieux raseur, arrachant quelques herbes avec les dents, avançant de quelques pas, faisant une pose, puis de nouveau se mettant en route jusqu'à ce qu'il s'arrête tout à côté d'une bande considérable de canards endormis sur la berge. A cet instant, le premier rayon de soleil fit briller derrière le raseur un fusil, une escopette, avec un canon interminable, ayant la capacité de ne laisser vivant pas un seul canard de toute la bande. Mais c'est alors que retentit le cri d'alarme du terú-terú, pour signaler à tous les amis canards que le raseur pourrait dissimuler un chasseur. «Terú-terú!» et tous les volatiles relèvent la tête, s'agitent, dressent l'oreille, regardent autour d'eux. «Terú-terú!» crie de nouveau le gardien honoraire des champs, de toute la campagne et toute la bande de s'envoler, laissant le chasseur pestant contre « cette maudite fripouille de malheur... fils de... » Alors le terú-terú se mit à rire et à se moquer de l'homme : «Terú-terú!», se réjouissant, même si c'était gratuit, du service rendu aux canards. Si bien que la colère prit le chasseur et que, sans se soucier de ce que coûte un coup de feu pour tuer cinquante canards (au moins quatre centimes et demi). Il s'écria « Santa Madonna!» et il finit par prendre en plein vol le pauvre terú désarticulé. Celui qui rend service finit toujours mal.

Gomez, Karina . Cuentos argentinos




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