Susana Torres Molina

 


Susana Torres Molina est née le 5 mars 1946. Ecrivain, dramaturge, directrice de théâtre, auteur de plus de trente pièces, qui ont été traduites en anglais, portugais, allemand, italien et tchèque. Plusieurs ont été jouées à New-York, Washington, Londres, Mexico, Rio de Janeiro, Montevideo, au Portugal et en République Tchèque. Elle a obtenu de nombreux prix lors de festivals.
Sa pièce « Maintenant tu vas me voir » parle du viol. Un homme séquestre une femme pour la violer ; elle se défend avec la parole et commence un jeu du chat et de la souris dans un sous-sol rempli de rats...

ELLE – Tu me laisses sans argent.

LUI – Mon amour, le mien, le tien, c'est la même chose. Tu m'as mis de bonne humeur ! Mets-toi debout. Et qu'il ne vienne pas l'idée de m'échapper. (montrant son pantalon) Arrange-toi un peu mieux.

ELLE – Que je m'arrange quoi ?

LUI – Oui, en quelle langue je dois te parler ? En ukrainien ? Mes grands-parents sont venus de Kiev, mais moi... Arrange-toi. (il lui tend son corsage) Habille-toi.

ELLE - Pourquoi ?

LUI - Tu préfères rester dans ce local à ordures? (il lui tend sa veste. Elle s'habille déconcertée et méfiante.)(il lui tend une botte) Tu as raison, ce n'est pas un bon endroit pour nous. C'est silencieux, mais... plein de rats. (Elle sursaute et regarde de tout côté.)

ELLE – Je ne pourrais pas finir de m'habiller dans une autre endroit ? S'il te plaît, si un rat vient me...

LUI - (l'interrompant) Non ! Pour cela, je suis là, moi. Pour te défendre ! (brusquement il frappe le sol avec une chaussure) Les rats, je les écrase! (elle prend peur ; il profite de sa frayeur et reprend son sac à main) Maquille-toi.

ELLE – Ca, je ne peux pas, je n'ai pas de lumière.

LUI – Tiens, voilà un miroir. (il sort de sa poche une petite lampe et il l'éclaire) Tu as tout ce qu'il faut ; un parfait boy scout.

ELLE - Quel sens de l'humour !

LUI – C'est vrai, je suis toujours d'entrain. Et je veux que tu te maquilles bien. Comme si tu sortais avec ton ex. Comme lorsque tu quittes ton travail pour retrouver quelqu'un qui compte pour toi.

ELLE - (étonnée) Tu sais où je travaille?

LUI - Maquille-toi. (elle commence à se maquiller les mains tremblantes)

LUI – Mets ça aussi sur les paupières.


Comment est venue l'idée de Ya vas a ver, pièce qui vient de recevoir le Prix National dans la section Texte Dramatique ?

Dans cette pièce, j'ai abordé la thématique de la vulnérabilité de la femme, tant dans les espaces privés que publics. La première image qui s'est imposée à moi était celle d'une femme qui avait été séquestrée. Ensuite, j'ai essayé de complexifier pour ne pas tomber dans le stéréotype du violeur malin et pervers face à la faiblesse de sa victime innocente. Suite à des lectures, notamment d'interviews de violeurs incarcérés, j'ai compris que les viols sont des messages destinés aux autres hommes. Une façon d'exprimer et d'exposer sa propre virilité, le pouvoir, et la femme n'est plus alors qu'un lien, que le fusible entre machos. Avec cette image troublante, j'ai commencé à imaginer les personnages. Je voulais que la femme soit forte, lucide, ayant beaucoup de ressources pour survivre. C'est elle-même qui propose des solutions pour sortir de la situation. L'abuseur travaillait dans le même immeuble que sa victime, mais la femme étant dans les sphères supérieures, elle ne lui a jamais accordé le moindre regard, au point qu'elle est persuadée ne l'avoir jamais vu. D'ailleurs il lui dit à un moment : « Pour toi, je suis transparent ». C'est pourquoi certains dans le public, et même des femmes, ont déclaré avoir une certaine empathie pour l'homme. Mais dans le public jeune, je me suis aperçue que personne ne trouvait le personnage masculin sympathique. C'est ce qui me plaît beaucoup. C'est un soulagement.




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