Albert Cossery

 



Ce jour-là vers midi, Si Khalil arriva en compagnie de l'ingénieur. Personne ne s'y attendait vraiment, et tous furent étonnés de le voir apparaître. Mais lorsqu'ils virent l'ingénieur, ils comprirent tout de suite la manœuvre. En vérité, ce soi-disant ingénieur n'avait pas la mine de son emploi. Les femmes surtout demeurèrent consternées à la vue de cet ingénieur de vingt ans, habillé d'un pantalon de couleur bois de rose, à la mode charleston, et d'un veston vert bouteille rehaussé d'une pochette d'un rouge cinglant. La femme de Bayoumi ne put s'empêcher de remarquer :

  • C'est un ingénieur ou bien une danseuse que tu nous amènes là, ô Si Khalil ?

  • C'est un ingénieur, ô barbares. Je vous dis que c'est un ingénieur. Il a des diplômes ; je les ai vus.

  • C'est peut-être autre chose que tu lui as vu, insinua Zakiya.

  • Tais-toi, ô femme, dit Abdel Al. Voyons ce que va nous dire ce grand personnage bardé de diplômes.

Tout en parlant, il s'était rapproché du jeune homme et l'avait pris par le bras.

  • Admire cette architecture et fais-nous profiter de tes connaissances, ô ingénieur. Sans doute as-tu étudié en Europe ?

Le soi-disant ingénieur semblait très gêné et certainement au fond de lui-même, il se maudissait d'avoir suivi Si Khalil dans cette douteuse aventure. C'était un jeune homme aux traits fins, timide et efféminé.

Si Khalil, voyant son désarroi, essaya de lui venir en aide.

  • Mais laisse donc, ô homme. Est-ce une façon de se conduire envers un homme instruit ? Comment veux-tu qu'il comprenne quelque chose ? Laisse-le regarder et réfléchir.

Mais Rachwan Kassem s'en mêla.

  • Moi, dit-il, je voudrais bien voir ses diplômes, à cet enfant perdu.

  • Tu es fou, ma parole, dit Si Khalil. Crois-tu donc que les ingénieurs se baladent avec leurs diplômes sous le bras ?


La maison de la mort certaine (VII)


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