Albert Cossery


 

Un matin pendant que les enfants jouaient, la silhouette imposante d'un gendarme boucha l'entrée de la venelle. C'était un gendarme galonné, aux moustaches superbes, et qui par surcroît savait lire. Il est vrai que cette dernière particularité ne servit qu'à le rendre furieux. Car, arrêté devant l'endroit où était la plaque -évidemment il cherchait le nom de la venelle-, son regard rencontra la légende inscrite en lettres rouges et qui spécifiait que la rue était à vendre. Ce gendarme, qui n'était pas spécialement apte à comprendre l'humour, chercha quelqu'un à tuer tout de suite, et ne trouvant personne, s'attaqua aux enfants. Il leur intima l'ordre de cesser leurs jeux et de répondre aux questions. Mais les enfants répondirent par des quolibets et s'éparpillèrent, restant à bonne distance du gendarme. Celui-ci, ne sachant que faire, déambula le long de la venelle. Il s'arrêtait partout, inspectait les lieux, pénétrait dans les cours. On le laissa se promener librement. Enfin l'homme borgne sortit sur le pas de sa porte. Le gendarme s'approcha de lui et le questionna. L'homme borgne, depuis qu'il avait fait disparaître sa femme sans laisser de traces, gardait vis-à-vis des autorités des allures d'assassin présumé.


La Maison de la mort certaine (XIV)

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Jorge Ricci

Hororo