Conte campagnard

 



Lucas, publicitaire très apprécié des brainstormings parisiens, décide un jour d'aller vivre à la campagne. Il se trouve une petite maison dans l'Oise pour rester proche de Paris, avec un jardin d'agrément. Un jour, il rencontre sa voisine qui lui passe le bonjour et qui lui dit :

  • Vous devriez prendre quelques poules. Des œufs frais tous les jours, c'est bonnard.

Lucas fut séduit par cette idée, et il acheta sept poules pour avoir un œuf par jour toute la semaine. Il n'avait pas compris qu'une seule poule pouvait rendre le même service. Il eut donc un peu trop d'oeufs pour lui tout seul et il en offrit à sa voisine. Tout allait bien, jusqu'au jour où il s'aperçut qu'il manquait une poule. Il se dit qu'il avait suffisamment pour ses besoins personnels avec six pondeuses. Mais quelques jours plus tard, une autre poule faisait défection, puis encore une autre. Il interrogea sa voisine qui lui dit tout de go :

  • C'est le renard. 

  • Mais qu'est-ce que je peux faire ?

  • Il faut essayer de voir quand il vient et mon mari viendra vous le tuer.

Lucas s'installa donc dans un fauteuil d'observation et il vit très vite un petit quadrupède aux poils jaunes et noirs. Un animal à peine effrayé et qui sembla de la plus grande beauté à Lucas, au point qu'il se dit :

  • Impossible de tuer une si jolie créature ! On dirait une publicité pour un dentifrice. Je vais lui déposer tous les jours un peu de viande, comme ça il laissera mes poules tranquilles.

Et de fait, le renard vint tous les matins prendre des côtelettes ou du jambon de pays ou quelques cuisses de poulet. Lucas l'avait progressivement amadoué, quasiment apprivoisé. Un jour qu'il n'avait pas eu le temps d'aller à la boucherie, il sacrifia même une autre poule. Un mois plus tard, le renard ne quittait plus la propriété de Lucas. Il mangeait à sa faim et il s'endormait dans les tuyas où il s'était aménagé une confortable chambrette. Il avait de moins en moins peur de l'homme. Et il avait pris un certain embonpoint. Gaétan, car c'est ainsi qu'il était baptisé, venait dans le jardin comme un petit chat ventripotent. Les trois poules qui restaient n'en avaient plus peur et elles commençaient à le chasser à force de battements d'ailes et de cris rauques. Elles lui interdisaient même de boire dans leur abreuvoir. Elles lui piquaient le dos sans pitié. Ce spectacle mit Lucas hors de lui. On s'en prenait à Gaétane (oui, on lui avait dit que c'était une femelle). Il chassa rageusement les trois poules en les jetant par dessus le grillage. Les poules redevinrent sauvages au bout de quelques temps et le renard n'osait plus sortir de la propriété.

Lucas dut regagner Paris pour quelques jours et pour mettre la dernière main à une superbe campagne promotionnelle pour un déodorant intime, dénommé Goupil. Il ne pouvait pas se douter du drame qui allait se jouer à 60 km de là : un blaireau avait ouvert une brèche dans le grillage et les poules s'y étaient engouffrées. Quand Lucas rentra dans sa maison de campagne, il découvrit le carnage. Le renard n'était plus qu'une boule de poils. Les poules lui avaient crevé les yeux et s'étaient acharnées sur le pauvre impotent. Quelle sauvagerie !


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