Mahmoud Messadi


 Salhawa avait créé le monde en six nuits dont la dernière fut particulièrement noire pour lui. Il avait même failli renoncé à son œuvre par lassitude et ennui. « Que l'univers soit ! » ordonna-t-il enfin, puis, l'aube venue, il contempla sa création : elle était feu et lumière sauf la Terre où s'étaient déposées toutes les saletés. Et à peine eut-t-il remué cette Terre qu'elle se mit à bouillir comme une chaudière et bientôt déborda en coulées de naphte, de charognes, de crasse, de goudron, de laideur et d'opprobe. Salhawa s'est aperçu alors qu'il n'avait créé, en fait de vie, que des immondices en fermentation et des cadavres putrides. D'ailleurs des quatre coins de la Terre montait vers lui une intolérable odeur de pourriture. A la fois désespéré et écœuré, il s'écria : « Quelle déception, ma création a avorté ! » Il se cala sur son trône pendant six jours et six nuits, tête basse, silencieux, méditant le moyen de surmonter son échec, tandis que l'univers s'enveloppait de brume. Puis vint le septième jour ; le chagrin, les soucis et la brume disparurent et Salhawa créa l'homme pure image de lumière et non figure de terre cuite. « Sois pureté et grandeur, lui dit-il, sois beauté ! »

De jalousie et d'envie, la Terre entra en fureur ; elle se ramassa sur elle-même et bondit sur l'homme pour le détruire mais Salhawa étendit sur celui-ci son aile protectrice. « Tu es l'espoir de ma création, lui confia-t-il, le secret de mon univers ! Tu es l'unique et l'incomparable, la splendeur et la consolation ! Rien n'a de sens que par toi. »


La source de l'oubli

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