Yamen Manai

 

Et puis un jour, mon père est revenu à l'improviste. Il faisait nuit, j'étais dans le jardin et il m'est apparu d'un coup, sorti de nulle part. On s'est regardé quelques minutes, je n'étais pas rassuré par sa silhouette rigide et son visage émacié dans le noir, ni par sa moustache de flic et sa mâchoire crispée qui ne se détendait jamais. Je me souviens d'avoir eu un mauvais pressentiment. Il m'a dit Je suis ton père. Ca ne vous rappelle rien ? Oh, laissez tomber.

Il ne lui a pas fallu longtemps pour tout écraser de son caractère martial. Même la divine Cléopâtre s'est inclinée devant le vil César, et n'est plus devenue que l'ombre d'elle-même. Pas de pain, pas de jeux, que le langage de la force et de l'aliénation. Quand, à cinq ans, j'ai eu ma première overdose de baffes, de ceinture et de réprimandes, j'ai mis mes affaires dans un baluchon et j'ai dit au revoir, ce sera sans moi, cette supercherie. Ma mère a dit Retiens-le, et il lui a répondu Laisse-le partir, il reviendra, et en effet, dehors, je n'ai pas fait long feu, j'ai très vite rebroussé chemin. Après quelques pas, je suis rentré la queue entre les jambes. Il s'était foutu de moi. Tiens, te revoilà. Cinq ans c'est encore trop petit, trop tendre pour affronter le monde.


Bel abîme


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