Han Kang

Un des rêves de l'héroïne de La Végétarienne

C'était une forêt sombre. Il n'y avait personne. Comme je progressais entre les arbustes garnis d'épines, j'avais des éraflures sur les bras. Il me semble que j'avais fait partie d'un groupe, mais apparemment je l'avais perdu. J'avais peur. J'avais froid. Après avoir franchi un ravin gelé, j'ai découvert une construction aux couleurs claires qui ressemblait à une grange. J'y suis entrée en écartant une natte, et là, je les ai vus : des centaines d'énormes quartiers de viande rouge suspendus à de longues perches en bambou. Du sang coulait même de certaines d'entre eux, qui n'avaient pas eu le temps de sécher. Je suis passée entre d'interminables alignements de viande sans trouver une sortie. L'habit blanc que je portais était ensanglanté.

Je ne sais comment j'ai réussi à m'enfuir. J'ai remonté le ravin en courant. Dans un coin, on faisait cuire de la viande. On entendait des chansons et des rires. J'avais peur. Mes vêtements étaient tachés. Je me suis dissimulée derrière un arbre sans que personne remarque ma présence. Mes mains étaient souillées, ainsi que ma bouche. J'avais mangé un morceau de viande qui était tombé sur le sol de la grange. J'avais frotté la pulpe crues et flasque contre mes gencives et mon palais, qui s'étaient imprégnés de sang. Mes yeux scintillaient, reflétés dans la flaque vermeille qui couvrait le sol.

 

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