GUÍA DE BUENOS AIRES (UNA FICCIÓN)



Buenos Aires est nef et mystère. Une demoiselle née dans le vent et la bruine. La cité est une galaxie qui protège de minuscules univers. Buenos Aires pourrait bien être un train de wagons légers qui descend une pente : à la fois la vie qui se termine et la tentative de souffler l'éternité à la mort. Sur la pente on peut toujours se livrer à des observations : une manière heureuse de connaître le murmure de la veille, ce qui arrive quand les histoires se laissent voir dans leur passage quotidien.

TEXTES D'EDGARDO LOIS - PHOTOS D'EDUARDO NORIEGA

L'amie d'Antonio restait seule dans la cour de l'école.
Elle lui avait dit depuis qu'elle était gamine qu'elle avait peur, qu'elle se sentait différente, bizarre. Que dans son école primaire elle avait beaucoup souffert. Elle sentait que les autres ne l'aimaient pas.
Depuis toute petite, elle était sujette à des douleurs très vives, Antonio le savait bien.
Etre loin de la porte pour sortir jouer, si hautes sont les fenêtres, être si loin de l'amour, comme si après tout, cela était d'une autre insignifiance.


Le bonheur est un art éphémère, dit à Antonio un pédant du café.
Une vérité révélée par un être mythique de la faune locale.
Moitié chat philosophe, moitié chien des rues.
Avec ses lunettes grossières, on l'appelait le prof Ricardo. Il buvait au tonneau. Un regard ami.
Un petit café fumant sur la table. Un tango en fond sonore. Le pédant lui dit : Il faut faire gaffe, gamin, le bonheur est un art éphémère. 

La bicyclette a décidé que le tricycle d'Antonio faisait partie désormais de l'histoire.
Quand enfin on lui enleva les petites roues, celles qui maintenaient l'équilibre, voisines de la roue arrière, plus une ombre du passé et le monde apprit universellement la fragilité.
Le temps de l'enfance, la succession immédiate des petits événements, tout a conduit Antonio du tricycle à la première bicyclette. Ensuite sont arrivées les heures de la nouvelle vie, d'autres bicyclettes : les jours où la mer était une frontière.


La nuit nous amène les rêves, et les rêves ont quelque chose des vieilles fautes.
Dans un rêve récurrent, la maligne machinerie d'une horloge géante joue à t'écraser avec sa roue.
Arômes de métal, Antonio fait un rêve d'un réalisme sauvage. L'image ne se dessine pas, c'est l'image simple et directe. Son regard avide ne connaît peut-être pas le repos.
Il marche rapidement entre les rampes, il porte un sac à la main. Il est à quatre mètres de la roue qui va l'écraser.
Pourtant le destin ne le décourage pas, et il continue son chemin.


Un homme qui sait qu'il faut profiter quand les tuiles du ciel sont encore loin, et qu'il faut s'arranger un peu avec quand le paysage est plus difficile.
S'arranger, ce n'est pas la même chose que de dire défaite, perte de mémoire.

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