cuadra

 


 A Buenos Aires, on ne dit pas que telle adresse est à dix minutes à pied, mais à tant de cuadras comme les blocks new-yorkais. Tous les cuadras (au sens propre : parcelle carrée, puis par extension, pâté de maisons ; au figuré, mesure d'un pâté de maison entre deux rues) sont de dimension égale : presque 130 mètres. La manzana, ou îlot urbain carré, mesure en effet 121 mètres de côté...

Tout remonte à la fondation de la ville par Juan de Garay à la fin du XVIe siècle. Quand celui-ci distribue les terres, il dessine le long du fleuve un plan en damier (typique des villes coloniales espagnoles construites selon les Lois des Indes) de 19 carrés sur 9, plus ou moins à l'emplacement du quartier actuel de San Telmo. Chaque carré ou cuadra mesure 140 varas (soit 121 mètres). La ville se développe sur ce modèle jusqu'au Xxe siècle, en intégrant en 1887 les villages limitrophes de Belgrano et Flores, construits sur le même plan. « La ville s'avance, carré par carré, pour livrer bataille à la pampa », note Albert Londres dans les années 1920. Pour accueillir les millions de nouveaux habitants, les manzanas, qui au départ coïncidaient avec une parcelle, sont divisées au fur et à mesure, en quatre puis par tranches de 10 varas, ce qui fait qu'encore aujourd'hui la parcelle typique -et donc la façade des maisons- mesure exactement 8,66 mètres de large !

Pour s'en convaincre, il suffit de longer l'avenue Rivadavia, une des plus anciennes rues car elle borde la Plaza de Mayo, qui n'a cessé de s'allonger au gré du développement vers l'ouest. Aujourd'hui longue de 35 kilomètres, elle prend fin dans la rue de Moreno, bien au-delà de l'avenue General-Paz, l'autoroute périphérique qui marque les limites nord et ouest de Buenos Aires. Rivadavia est une frontière symbolique entre le Sud et le Nord de la cité, tradition et modernité, quartiers populaires et bourgeois :


Personne n'ignore que le Sud commence de l'autre côté de la rue Rivadavia. Dahlmann avait coutume de répéter qu'il ne s'agit pas là d'une convention et que celui qui traverse cette rue entre dans un monde plus ancien et plus ferme.

(Borges - Fictions)




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