Sur deux photos de Lola Alvarez Bravo



Lola était la femme de Manuel Alvarez Bravo, peintre salué par Breton et les surréalistes. Pendant leur court mariage, les époux travaillèrent ensemble. Lola avouait même qu'elle avait été le disciple de son mari. Malgré un talent nullement inférieur au sien, elle ne s'est pas fait connaître en dehors du Mexique. 


Lola Alvarez Bravo a intitulé deux photos “El sueño de los pobres” (Le rêve des pauvres 1940 et 1949) où se révèle sa conscience sociale et se laisse deviner sa prise de position politique. Ici comme ailleurs elle se range du côté des victimes, des martyrs, des prisonniers, des abandonnés, des solitaires. La plupart de ses victimes sont des femmes. En représentant un petit garçon endormi au centre d'une accumulation sans limites de huaraches, ces sandales des ouvriers et paysans mexicains, la photographe évite de rendre visibles le sujet de son rêve et ses désirs à moins d'identifier ce songe avec les minables chaussures dont lui et d'autres va-nu-pieds ressentiraient le besoin. Il semblerait plutôt qu'il rêve de sortir de ce milieu où les petits enfants risquent de se faire piétiner de toutes les façons. 












La deuxième photo qui porte le même titre raconte un rêve bien plus menaçant. Il semble que le pauvre petit garçon vêtu de loques s'offre en rêve une énorme machine à fabriquer des sous, ce qui le sortirait de la misère à tout jamais. Ses mains minuscules ne réussiront jamais à ramasser même une faible partie des innombrables pièces d'argent tombant en cascade derrière sa tête. Comme la machine et ses lourds produits vont bientôt l'écraser, cette richesse rêvée aboutit à un cauchemar. Peu importe si les deux “Sueño de los pobres” montrent un rêve ou le milieu qui le déclenche, ce qui importe c'est que les rêves des pauvres se caractérisent surtout par l'inquiétude. Ici comme ailleurs, les photos de Lola suscitent des récits dramatiques remplis de péripéties. 

texte de René Riese-Hubert

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