Eduardo Pavlovsky

Psychanalyste, acteur,et metteur en scène, Eduardo Pavlovsky est l'auteur d'une quinzaine de pièces, toutes montées et publiées en Argentine. Bon nombre d'entre elles ont été traduites et jouées aux Etats-Unis, en Allemagne...
En 1960, il fonde le groupe Yenesí pour faire connaître le théâtre d'avant-garde (Ionesco, Beckett, Pinter).
Les pièces de théâtre de Pavlovsky sont inspirées du théâtre de l'absurde, mais à la différence de ses auteurs habituels, celles-ci ont lieu dans un contexte socialement et politiquement très marqué. On y retrouve de manière récurrente une réflexion sur la violence institutionnelle: celle des paramilitaires, puis celle des militaires ayant pris le pouvoir dans son pays dès 1976. L'auteur a par ailleurs lui-même échappé à un enlèvement dans son propre appartement en 1978, en fuyant par le toit de sa maison alors que des membres des Forces Armées en avaient forcé la porte d'entrée. S'appuyant sur l'opposition de Meyerhold au réalisme soviétique, il soutient un socialisme/communisme se revendiquant de Lénine et Trotsky contre Staline. 


L'Attente tragique (1964)

LUI – Vous n'avez pas de maison ?
INCONNU – Je n'en ai jamais eu.
LUI – Et où allez-vous dormir ?
INCONNU – Je ne dors pas.
LUI – Et si vous tombez ?
INCONNU – Je me relève.
LUI – Et si vous retombez ?
INCONNU – Alors je ne me lève plus.
LUI – Et qu'est-ce que vous faites ?
INCONNU – Je dors. Ce sont les meilleures siestes.
LUI – Comme on en apprend à l'Université !
INCONNU – (très sérieusement) Excusez-moi, mais ce n'est pas l'Université qui m'a appris cela, c'est la vie.
ELLE – (brusquement) La vie même ! Vous croyez que la vie peut apprendre quelque chose ?
INCONNU – J'en suis persuadé.
ELLE – Quoi, par exemple ?
INCONNU – Elle apprend à souffrir et à jouir.
LUI – Elle apprend à souffrir ?
ELLE – Vous croyez vraiment qu'on peut apprendre à souffrir ?
INCONNU – Je suis sûr que oui.
LUI – Comment pouvez-vous en être sûr ?
INCONNU – Après vingt ans de souffrance quotidienne, on apprend à souffrir. Il y a divers grades dans la souffrance. Celui qui a beaucoup souffert les connaît sur le bout des doigts. Ca m'est très difficile d'apprendre cela, mais à force de volonté, on y arrive.
LUI – Mais à quoi ça vous sert tout ça ?
INCONNU – Oh, ça me sert énormément ! Nous souffrons tous, mais tous ne savent pas souffrir. Moi, au début, je pleurais. Maintenant la souffrance est ma grande amie.
LUI – C'est vrai qu'au bout de vingt ans, il y a une certaine intimité.
INCONNU – Nous étions au collège ensemble. Nous sommes plus qu'intimes, parfois nous nous confondons, je ne sais plus qui est moi et qui est elle.
LUI – Ca doit être désagréable. Surtout quand on a faim.
INCONNU – Non, la souffrance ne mange pas comme nous. Elle s'alimente de nous mêmes.

https://youtu.be/hTyR_u2-CmI

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