Enrique Medina

Né à Buenos Aires en 1937, Enrique Medina a écrit une vingtaine de romans et recueils de nouvelles. Interné de huit à seize ans en maison de correction, il appartient à cette qualité d’écrivain dont les expériences ont nourri des livres brûlants et corrosifs, portés par l’envie de témoigner de ces années noires et violentes.

La rencontre

Le repos et la rigolade nous avaient fait beaucoup de bien. On s'est mis en règle avec Dieu et tous ses saints, tout comme il faut, amoureusement... Puis on a allumé la télé et on a pu vérifier qu'on avait rien à apprendre.
Voilà pour la première rencontre. Gaie, comme elle. Il y en eut beaucoup d'autres. Toujours meilleures. Même nous, on n'arrivait pas à y croire. J'étais mordu comme jamais. Je suppose qu'elle aussi. C'est pour ça, je suppose qu'elle ne me dit pas qu'elle avait des soucis, jusqu'au jour où je découvris les marques sur les bras. Tout a coïncidé : la découverte qu'elle s'était remise à se piquer et une exposition collective à Mendoza. J'ai cru que je l'aidais quand je lui ai dit :
  • C'est la drogue ou moi.
Je l'aimais tellement que j'en étais devenu égoïste et maladroit. Je ne suis pas allé au-delà de ce que je voyais. Après j'ai appris que son mari avait quitté le pays avec la petite. Ca elle n'a pas pu le supporter. Même avec mon amour, même avec la came. J'ai été une semaine en province. Le lendemain du jour où je suis parti elle s'est appliqué une overdose.
Les amis du ballet ont essayé de me consoler avec des raisonnements et par la logique, elle était très attachée à la petite, elle se piquait depuis toujours, elle s'arrêtait de temps à autre mais elle y revenait encore plus furieusement... Rien à faire... Il n'en reste plus rien... Seulement le souvenir de la première rencontre... Oh, putain de ta mère, dieu... Et ce trou dans ma poitrine qui s'agrandit de jour en jour...

traduction de Maria Poumier

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