Jorge Luis Borges


En 1922, Borges est amoureux d'une jeune fille qu'il décrit dans une lettre à J. Surena : « Elle a seize ans, elle se nomme Conception Guerrero, elle souffre dans une extrême banlieue, la vie orgueilleuse et dure et monotone et timide d'une jeune fille bien et pauvre, elle est très belle, argentine, de parents andalous... (Et n'oublie pas que seize ans à Séville ou à Buenos Aires, ne sont point du tout cette chose insipide, étonnée et bouche béante qu'ils sont plus au Nord!) »
Le poème qui suit montre qu'il supporte mal sa séparation (même momentanée).


Absence

Je devrai donc la soulever, la vaste vie
qui reste aujourd'hui même ton miroir :
chaque matin je devrai donc la rebâtir.
Tu m'as quitté ; depuis,
combien de lieux devenus inutiles
et privés de sens, comme
des lampes à midi.
Soirs, nids de ton image,
musiques où toujours tu m'attendais,
paroles de ce temps passé,
je devrai vous briser de mes mains.
Dans quel ravin réfugier mon âme
pour de plus la voir, cette absence
qui brille comme un terrible soleil
définitif, sans couchant, sans pitié ?
Je suis cerclé par ton absence
comme la gorge par la corde,
comme qui coule par la mer.



traduction de Jean-Pierre Bernès

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