Ignacio Apolo

 

NE ME REGARDE PAS AINSI de Ignacio Apolo


Années 90. Trois filles de la bourgeoisie se réunissent un samedi soir. Pendant qu'elles s'apprêtent et écoutent un programme de radio pour adolescents, Bety, -la domestique- leur dit qu'elle attend son ami, Hugo, à la porte de la maison. Les trois filles décident de cacher Bety dans la maison le temps que passe son « chico » Hugo, pour se divertir à leurs dépens.

On trouve dans cette pièce toute la cruauté d'une classe pour une autre plus pauvre, la xénophobie, l'agressivité physique et verbale, l'incompréhension qui sont autant de ciments occultes d'une société profondément violente.


ANIMATRICE DE RADIO – Et tu n'as personne à qui parler ?

CECILIA – Moi, non...

ANIMATRICE – Mais ça, c'est la solitude, ma chérie.

CECILIA – Oui, oui.

ANIMATRICE – La solitude.

CECILIA – Tu as raison.

ANIMATRICE – Naturellement. Et comment tu te sens ?

CECILIA – Maintenant, je me sens mal.

ANIMATRICE – Tu vois que c'est triste.

CECILIA – Oui, c'est horrible.

ANIMATRICE – Horrible, horrible, c'est le mot. Des choses horribles, la solitude est la pire de toutes. Ca ne te donne pas un coup dans la poitrine ?

CECILIA – Si, si.

ANIMATRICE – Et dans la gorge, il n'y a pas un nœud qui te serre, qui te serre... ?

CECILIA – Si, si.

ANIMATRICE – Les nerfs tendus, les mains froides, des douleurs dans le cou.

CECILIA - Si, si.

ANIMATRICE – Eh oui, c'est comme ça. C'est l'horreur. Certains ont très fort envie de pleurer, mais on ne pleure pas quand on est seule. Pourquoi se mettre à pleurer s'il n'y a personne ? Ma pauvre Cecilia.

CECILIA – Tu me fais du bien.

ANIMATRICE – Je suis là pour ça.

CECILIA – Merci.

ANIMATRICE – Il n'y a pas de quoi. Mais en plus de te plaindre, qu'est-ce que je peux faire pour toi ? Qu'est-ce qui te ferait plaisir, en ce moment précis ?

CECILIA – Que les autres filles reviennent.

ANIMATRICE – Non, Cecilia... Ca, c'est comme dans la blague. Tu connais cette blague ?

CECILIA - Non.

ANIMATRICE – Il y a trois types dans un désert. Apparaît un génie qui dit qu'il peut accomplir un vœu pour chacun d'eux. Le premier veut se retrouver au Brésil entrain de prendre une caïpirinha avec deux gonzesses. Poum ! Le voilà au Brésil. Le deuxième voudrait aller dans une île des Caraïbes. Poum ! Le voilà dans les Caraïbes. Alors il reste le dernier, il n'a droit qu'à un seul vœu. « Que veux-tu ? » lui demande le génie. « Que reviennent les deux autres ; je ne veux pas rester tout seul. » Tu as compris ?

CECILIA – Oui.






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