Mario Diament

 


Crónica de un secuestro (Chronique d'une séquestration - 1971), est une allégorie. Mario Diament part de l'idée que la culpabilité et l'innocence sont dans notre société des notions aussi relatives que la sécurité et l'insécurité. La séquestration, qui est une situation limite, sert à mettre en évidence le squelette d'une société corrompue, basée sur le profit et le mensonge.

Un individu est obligé sous la menace de mettre à nu sa vie et il en arrive à une intensité tragique...


MOREL (effrayé par la menace) Moi... moi, je ne crois pas en la force brutale.

PEDRO Vous ne croyez pas en la force, monsieur More ? Mais même les rats croient en la force quand il s'agit de survivre ! Apparemment vous valez moins qu'un rat. Un peureux tremblant de tous ses membres, mais qui se croit homme parce que deux fois par semaine il couche avec sa femme malade et affaiblie.

MOREL Vous... n'avez pas le droit de me parler de cette manière !

PEDRO J'ai tous les droits puisque vous n'êtes pas en mesure de me faire taire. Et je crois que je pourrais violer ici, devant vous, vos deux filles, jolies et robustes, sans que vous fassiez autre chose que de trembler.

MOREL (profondément perturbé) Je ne suis pas courageux. Je n'ai jamais prétendu l'être. Je ne crois pas à ce type de courage. Vous me parlez de la loi de la jungle, et moi je n'appartiens pas à la jungle. Moi, je ne crois pas que les êtres humains... doivent se comporter comme des animaux. Moi, j'ai vécu... quarante-cinq ans... avec une morale... même si... même si vous ne savez pas ce que ça signifie. Ce n'est pas moi qui ai provoqué cette situation. Je ne vous connais pas. Je n'appartiens pas à votre monde de violence... de violence irrationnelle. Moi... moi je ne serais pas capable de supporter qu'on torture un être humain gratuitement. Pour le... pour le simple fait que ça cause du mal. Et vous, vous supportez très bien que je sois torturé sans raison. Vous me faites souffrir, vous faites souffrir les miens. Moi... moi je ne serais pas capable de faire ça. Je ferais tout pour ne pas en arriver là. La vie n'est pas... la vie c'est autre chose que ce que vous imaginez. La vie n'est pas... violence, agression, cruauté... Mais certainement que vous ne pouvez pas comprendre cela... Vous, votre génération, vous entraînez le monde... à la barbarie. Moi, je ne crois pas... en ce monde-là. (Morel, ébranlé, se met à pleurer) (Pause. Pedro regarde Morel avec indifférence. Martin entre avec un journal à la main)

MARTIN Il fait froid dehors… C'est quoi tous ces billets ?

PEDRO La fortune de notre ami Morel. Il dit qu'il ne croit pas à la violence et il sort ce fric de ses manches pour nous le démontrer.

PEDRO (A Martín) Quelle nouvelle ?

MARTIN: Aucune.

PEDRO Rien? Pas un seul article? Notre bon ami Morel a été séquestré et il n'y a pas une putain de ligne dans le journal ?

MOREL Peut-être qu'ils n'ont pas fait paraître la nouvelle... pour... pour ne pas gêner... l'enquête...

PEDRO Vraiment?

MOREL Oui... certainement...

PEDRO (dubitatif) C'est possible… (Pause) A moins que…

MOREL A moins que quoi ?

PEDRO A moins que vous soyez tellement répugnant et anonyme, que vous ne méritiez pas quatre misérables lignes dans le journal.


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