Yamen Manai

 

Comment est-venue cette passion pour les livres ? On en avait à la maison, alors j'ai fini par mettre le nez dedans. Ne pensez pas que c'était mon père qui m'y incitait, de ce point de vue là, il ne s'est jamais intéressé à moi, il ne m'a jamais rien appris. Ne pensez pas non plus qu'il a lu l'intégralité de sa bibliothèque ! S'il y avait des livres à gogo et de tout horizon, c'était pour impressionner la galerie, pour s'acheter auprès de ses collègues docteurs une réputation d'intellectuel. Oh, vous avez dans votre bibliothèque des écrivains russes ? Oh, vous avez dans votre bibliothèque des poètes sud-américains ? Oh, vous avez dans votre bibliothèque des philosophes allemands ? Mais en vérité, mon père ne lisait pas les livres qu'il achetait à bon prix ou qu'il récupérait grâce à son statut d'universitaire. Il lisait les torchons de la presse, comme le reste de la populace, et pensait qu'il pouvait avec ça se faire une opinion sur l'état profond du monde, et l'ouvrir à tout va sur tout et sur rien.

Les livres étaient à portée de main, et je me suis servi. C'est là que j'ai remarqué que personne n vous cherche de noises quand vous avez le nez dans un livre. Ce n'était pas comme si vous deveniez invisible, mais votre visibilité devient d'une autre nature. Elle surprend, elle interloque. Les livres, pour beaucoup, c'est un truc qu'ils ne comprennent pas et qu'ils essayent de bien éviter comme des allergiques. Plus le livre est épais, plus vous faites fuir les gens autour de vous.


Le bel abîme


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