Ahmed Kedidi

Le Paris-Bar à Tunis

 

Le bistrot des marins

Longtemps ils ont bourlingué dans les mers

privés d'espoir

n'attendant rien.

Et maintenant ils boivent

dans la pénombre du petit bistrot

à la santé des putains

qui donnent amour et paix

à ceux qui reviennent de loin

à ceux qui reviennent du noir.


Un marin parle des femmes infidèles

les autres crachent et grommellent :

quelle farce la mer !

Ils boivent comme s'ils n'avaient rien bu

de mille ans,

à la santé des affamés outre mer

dans toutes les plantations des grandes plaines.


Un vieux loup de mer

plus ou moins forban

plus ou moins trafiquant de diamants

dit :

Afrique !

tes jungles brunes étaient jadis

un refuge pour les crève-la-faim d'Occident

notre refuge

et nous n'avions alors rien à quoi nous raccrocher.

Nous sommes venus à toi

comme une nuée de sauterelles

qui s'abat sur un champ de pommiers

béni par le printemps

depuis le port de Marseille

jusqu'au Grand Congo.

Nous sommes venus dans les forêts d'oliviers,

dans les vergers d'orangers

en Tunisie, en Algérie.

Nous avions peu d'argent

et nous comptions sur les bateaux

pour nous perdre dans l'inconnu.


Nous sommes venus à toi, terre de pureté,

et nous étions bandits, débauchés et compagnie.

Nous sommes venus... et il boit son verre

à la santé des gars rentrés de la mer.

Rien qui ne fut honte, sang et larmes

telle est l'histoire d'un marin

qui roula sa bosse puis revint

pour sombrer dans le vide

et boire un dernier verre

ou raconter aux copains

le bon vieux temps en Afrique

pays des plantations dans les grandes plaines

des travailleurs des mines et des champs

patrie des hommes en révolte.


Les épis de la liberté.


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