Des débuts difficiles

 

• Bonjour...

• Bonjour. C'est pour quoi ?

• Ben... c'est moi qui joue le spectacle ce soir.

• Heu... Ah oui !

• Je vous ai envoyé 50 affiches, il y a un mois.

• J'ai pu reçu ça.

• Ce n'est pas le rouleau qui est derrière vous ?

• Euh... derrière moi ? Ah d'accord. Voyons. « Vitse Side Story » ?

• Voilà, c'est mon spectacle.

• Elle est bien l'affiche.

• Oui, mais il aurait fallu peut-être en mettre en ville.

• Vous voulez un café ?

• Je voudrais surtout voir la salle. Je joue à 20 heures.

• Oui. Le problème, c'est que je n'ai pas la clef de la salle. Et aujourd'hui c'est samedi...

• Et alors ?

• C'est le président qui a la clef. Je sais pas s'il est là... Je vais l'appeler quand même.

• C'est une idée.

• Allo, Bertrand, désolé de te déranger, mais il me faudrait la clef de la salle. (…) Mais tu sais bien qu'on l'a perdu le double. Tu peux venir ? Il y a un spectacle ce soir, tu sais. (…) Eh bien, si tu savais pas, je t'informe. Un one man show. Humoristique apparemment. Bon, je t'attends.

• J'ai l'impression que l'information n'a pas touché tout le monde.

• Oui, mais il est distrait, lui, vous savez, il est responsable d'une grosse structure sur Annecy. Ah, voilà la clef, merci Bertrand. A ce soir. Ah, tu ne penses pas venir ? Tu es de mariage. Bon...

• Alors on peut voir la salle maintenant ?

• Tout de suite, tout de suite. Vous avez votre voiture ?

• Bien sûr, avec mes éléments de décors.

• Alors on y va. Vous voulez pas un café ?

• Non, non.

Quelques minutes plus tard.

• La salle n'est pas mal, mais il n'y a pas de chaises ?

• Vous avez besoin de chaises ?

• Moi non, mais pour les spectateurs.

• Ah oui... D'habitude, on les prend à l'église... A cette heure-ci, je ne sais pas si... Et puis, même, comment les transporter ? Vous savez ce qu'on va faire ? Vous allez déballer votre décor, et puis on ira à l'église avec votre voiture. En deux, trois voyages, on pourra ramener une quinzaine de chaises, non ? Elle est assez grande, votre bagnole.

Quleques heures plus tard : spectacle. Une dizaine de personnes. En fait, le directeur, sa femme et ses trois enfants qui jouent dans l'allée centrale, Antoine,le trésorier, et sa fille, deux vieilles qui avaient compris qu'il s'agissait d'une soirée crêpes. Le directeur vient à moi avec un air désolé :

• J'ai l'air désolé, n'est-ce pas, franchement je suis surtout désolé pour vous. Mais vous savez, ce n'est pas facile, avec la télévision, les gens ne sortent plus de chez eux. C'est terrible à dire, mais c'est comme ça. Antoine, qu'est-ce qu'il y a à la télé ce soir ? « Intervilles » ! Alors ne cherchez pas, s'il n'y a personne, on sait pourquoi. C'est dommage, c'était vraiment pas mal. Surtout le moment où... Alors là, j'ai bien rigolé!

VITSE SIDE STORY a été joué plus de 300 fois en France (Festival d’Avignon, Théâtre des Blancs Manteaux à Paris), en Suisse (Lausanne, Genève), en Belgique (Bruxelles, Liège), en Roumanie (Iasi), en Pologne (Varsovie), en Ukraine (Kiev), au Mexique et en Haïti.