Croire ou conduire...

            C'était à Iasi il y a quelques jours. J'étais dans un taxi qui devait me conduire au Théâtre National. Le chauffeur parlait au téléphone en tenant son portable de la main gauche. Il semblait avoir une certaine habitude de cette pratique et il conduisait presque aussi bien que lorsqu'il ne téléphonait pas. Seulement en passant devant ce qu'on appelle en français la cathédrale métropolitaine, il fit un signe de croix comme il en a l'habitude. Ainsi le portable dans une main, le signe de croix dans l'autre, il quittait le volant des deux mains et il fit une embardée en voulant éviter une voiture en sens inverse. Et le chapelet qu'il avait accroché à son rétroviseur s'est fracassé sur le pare-brise.

          Alors le problème qui se pose est le suivant. En cas d'accident, aurait-il été condamné pour le portable ou pour le signe de croix ? Bien sûr, il est interdit de téléphoner pendant qu'on conduit un véhicule. Mais comme je l'ai signalé, il avait une telle maîtrise de la situation qu'on ne pouvait se sentir en danger tant qu'il avait son portable à l'oreille. En fait, c'est quand il a fait le signe de croix que nous étions vraiment en danger. Paradoxalement, le code de la route n'interdit nullement de se signer. Il y a là un cas d'école et le législateur devrait s'y intéresser au plus vite. D'autant que si j'avais été à côté du chauffeur au lieu d'être derrière, il y a toutes les chances que je me prenais le chapelet en pleine tête et peut-être même dans l’œil. Aurait-on alors incriminé encore le portable ?

      Je me souviens que lorsque j'étais enfant, mes parents, bijoutiers, vendaient des médaillons de Saint-Christophe. Ce médaillon se posait dans la voiture pour protéger ses occupants des accidents. C'était avant la ceinture de sécurité. Ma mère excellait dans la vente de ce produit :

  • Ah si, ça protège bien, vous savez. Mieux que l'eau de Lourdes. Ah oui, si vous la faites bénir en plus, alors là, vous pouvez foncer, en étant prudent tout de même. Saint-Christophe dans une voiture, c'est vraiment la référence. Nous l'avons en laiton et en cuivre. Je vous le conseille en cuivre, c'est un peu plus cher, mais ça brille même la nuit.

          Jusqu'au jour où un médaillon s'est décroché et a bloqué la pédale de frein provoquant un bien cruel accident. Un chien avait traversé la chaussée et la voiture, incontrôlable, s'encastra dans un arbre. Personne n'était vraiment responsable, mais Saint-Christophe ne s'en est jamais vraiment remis. Pourtant, l'iconographie du christianisme oriental le représente, tel un homme à tête de chien avec à la main un crucifix : Χριστοφόρος (Christophóros). Il est aussi associé, dans une autre légende, à une tribu des Kynoprosopoi (« Visages-de-Chiens »)...

       Enfin, il faut dire que quelque soit le pays et son degré de religiosité, toutes ces protections divines ne font jamais baisser le prix des assurances. Tout de même étrange…
 

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